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En 2009 Aissatou Barry était encore étudiante quand sa vie a basculée au stade du 28 septembre lors des atrocités qui s’y sont déroulées par les forces de sécurité sur les populations opposées à la candidature au pouvoir du président putschiste d’alors. Ses rêves de foyer brisés mais déterminée à aller de l’avant, l’espoir renaît suite à l’appui thérapeutique et d’autonomisation des femmes de AVIPA (association des victimes parents et amis du 28 septembre 2009). Outre ses études en mathématiques appliquées à la statistique elle a ajouté à son cursus la comptabilité et la gestion. Ancienne militante d’un parti politique, elle tient de nos jours un petit commerce et enseigne aussi les sciences mathématiques dans un lycée de la place. Un entretien réalisé par Hadjiratou Bah.
A l’instar de nombreuses autres femmes
vous venez régulièrement à AVIPA, pourquoi?
je suis une victime du 28 septembre 2009. Je viens ici suivre des formations en teinture et saponification. Je suis aussi la psychothérapie et depuis six mois j’ai commencé la musicothérapie avec les partenaires congolais. Cette dernière nous aide à atténuer nos douleurs et changer notre manière de voir les choses. Nous échangeons entre nous victimes et nous chantons en français et langues locales. Les chants parlent de justice, de réparation….
Une justice que vous attendez depuis 10 ans pensez vous l’obtenir un jour?
Oui je l’espère.
Pourquoi avoir choisi d’enseigner les mathématiques et comment gérez vous vos différentes activités ?
J’ai opté pour l’enseignement quelques années après les événements du 28 septembre 2009 afin d’oublier ce que j’ai subit. Car en restant à la maison ces mauvais souvenirs resurgissent dans ma tête, alors qu’en classe avec mes élèves je me concentre sur mon cours. Je me planifie en fonction du programme d’ici parce qu’à l’école tu prends les heures que tu peux assumer. Donc je viens 3 fois par semaine suivre la psychothérapie ici à AVIPA.
Chaque 8 Mars est célébré la journée internationale des femmes. Le thème de cette année est « Je suis de la Génération Égalité : Levez-vous pour les droits des femmes ».
C’est important mais nous constatons que l’égalité que nous prônons n’est toujours pas respectée chez nous. Par exemple concernant le travail bien que l’homme et la femme ont les mêmes droits, certains pensent toujours que l’homme est plus apte même si la femme a toutes les capacités requises. Côté scolarisation elles ne vont pas toutes à l’école et certaines ont peur de s’affirmer. Par exemple moi qui donne des cours de mathématiques je constate que peu de filles optent pour cette branche. Sur 50 élèves vous ne trouverez que 10 filles. Elles sont minoritaires dans les sciences exactes.
Ce problème d’accès à l’égalité ne serait il pas dû aux valeurs culturelles reçues à bas âge ?
Oui car dès bas âge on t’inculque que l’homme est supérieur à la femme et la religion va dans le même sens.
Les femmes se battent beaucoup dans tous les secteurs mais le résultat est minime.
Les femmes sont minoritaires partout, tant dans les instances de prise de décisions que dans la plupart des domaines. Par exemple dans les partis politiques les femmes sont nombreuses, elles s’y donnent à fond mais quand il s’agit de les positionner le quota 30% n’est pas respecté à plus forte raison les 50% octroyés par la nouvelle loi.
Mais est ce que ces dernières cherchent réellement à s’affirmer dans ces partis politiques et même hausser le ton pour que leurs droits soient respectés ?
Si. Moi-même j’ai à un moment donné milité corps et âme dans un parti. J’allais aux manifestations, je participait aux activités à l’interne mais quand il s’agit de partage de postes, les hommes âgés sont priorisés au détriment des femmes et des jeunes. Dans le parti que j’ai quitté il n’y avait qu’un seul jeune dans le conseil politique, tout le reste c’est des vieux. Quand les femmes revendiquent ce n’est pas pris en compte.
Selon vous que faut il pour que les femmes puissent mieux s’épanouir?
Il faut un changement de mentalité. Il faut que les femmes arrivent elles-mêmes à reconnaître leur talent, leur capacité intellectuelle, l’effort qu’elle fournissent pour mieux revendiquer. Elles doivent éviter de dépendre d’une tierce personne.
Il faut aussi que les textes juridiques soient appliqués car la Guinée, outre ses propres lois, a ratifié beaucoup des traités et conventions en faveur des femmes.
Merci.