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Âgée de 29 ans et mariée, Asmaou Barry est une femme qui se bat au quotidien pour le respect des droits des femmes. Depuis dix ans elle est reporter au journal satirique le lynx et évolue aussi dans l’activisme depuis 7 ans. A la tête de l’association des professionnelles africaines de la communication (APAC), elle oeuvre pour la reconnaissance, le perfectionnement et la représentativité des femmes journalistes. Actuellement Asmaou s’occupe de l’aspect communication du programme d’appui à la reforme du secteur de sécurité pour l’ONG COJINTA
Des challenges que cette amazone exprime au micro de laguineenne.info
Reporter depuis des années vous y ajoutez l’activisme comment en êtes vous arrivée là ?
Quand j’exerçais en tant que reporter j’aimais bien partir à la rencontre des gens raconter leur vie. Quand je vois certaines choses je cherche toujours à savoir comment je peux aider au delà de rapporter juste les faits que je venais de voir. C’est comme ça que je me lancée peu à peu dans l’activisme puisque j’avais l’opportunité de connaître un certain nombre de services, de procédures par rapport notamment aux violences faites aux femmes. Au final je fait aussi de l’activisme social, seule ou en association. Par exemple il y a eu le mouvement « ne touche pas à la soeur » qu’on avait initié suite à l’affaire Tamsir. Il y a eut des activités portant sur des sensibilisations sur les droits et devoirs des femmes. En 2016 j’ai été élue présidente de l’APAC composée uniquement de femmes des médias. Là je pouvais lier les deux (journalisme et activisme) car les femmes victimes de violences ne sont soit pas informées sur comment réagir et qui est ce qu’il faut aller voir, soit on ne parle pas d’elles. Là c’est le rôle des médias de vulgariser les services, les procédures…. et parler des victimes pour alerter l’opinion.
A l’instar des autres, les femmes activistes sont aussi menacées ou victimes de violences. Que faites vous pour y remédier?
Oui bien sûr il ya des femmes activistes qui sont victimes de violences même dans leur foyer. Moi j’assimilerais l’activisme à une sorte de rébellion des femmes contre la violence légitimée par la société. Il est important d’en parler de plus en plus et encourager les femmes à porter plainte. S’agissant de la protection des femmes activistes il y’a une loi en gestation depuis quelques mois et nous espérons qu’elle va aboutir afin que les activistes puissent exercer sans être inquiétées. Prenez par exemple le cas de Moussa Yero (journaliste et activiste), elle a été poursuit et condamnée en première instance pour avoir dénoncé et suivit un cas de présumé viol.
Comment faites vous pour être acceptée en tant qu’activiste su sein de votre entourage?
Il faut être clair avec soi même. Il faut savoir, ce que je fais, comment est-ce que je dois le faire et à quel moment. Il ne faut pas occulter qu’en tant que femme, à un moment on peut croire qu’il y’a la famille ou le foyer qui peuvent constituer un facteur de blocage pour son avancement. Je pense qu’il faut carrément faire la distinction entre la famille et le travail afin que l’un n’empiète pas sur l’autre.
Généralement les hommes guinéens ont tendance a avoir peur des femmes intellectuelles surtout les activistes. Ça n’a pas été votre cas puisque vous vous êtes mariée, quel est vitre secret?
(Rires). Je vous assure qu’il n’ya pas de secret. Je pense qu’il faut travailler sur la mentalité des hommes. A partir du moment où une femme est universitaire ou économiquement indépendante, les hommes pensent qu’ils ne peuvent pas l’aborder. Donc c’est à elle d’être ouverte. Nous nous inscrivons dans une logique de lutter contre les mariages précoces donc les hommes doivent plutôt épouser des femmes suffisamment mûres, avec un niveau intellectuel, le même niveau de compréhension et avec lesquelles ils peuvent mieux s’épanouir. Là même s’il y’a conflit le couple pourra gérer sans que la famille n’ait à intervenir à tout moment. Mais s’ils épousent une fille mineure pour qui ils doivent tout faire, il arrive un moment où ils se lassent, où se croient permis de la traiter comme ils veulent. Si on veut lutter contre les violences conjugales il faut œuvrer pour l’autonomisation des femmes.
Depuis près de dix mois vous avez pris une disponibilité auprès du Satirique le lynx pourquoi ?
Je travaille sur un autre projet d’une ONG Suisse COJINTA axé sur la réforme policière. Je m’occupe de l’aspect communication du programme d’appui à la reforme du secteur de sécurité. C’est difficile de combiner les deux surtout si on fait autre chose notamment mon activisme où j’ai parfois envie de consacrer mon temps à des organisations de femmes ou de jeunes.
Que faites vous concrètement au sein de l’APAC (association des professionnelles africaines de la communication) ?
L’ APAC est une association qui réunit les femmes des médias et qui a un double objectif. C’est de promouvoir les femmes dans les médias en étant disponibles et en traitant les infos au même titre que les hommes et non seulement s’occuper des faits divers, la culture etc. Il s’agit aussi de garantir leur représentativité. Par exemple, on dit que se sont les associations de presse qui doivent siéger à la Haute autorité de la communication (HAC). Mais ces associations n’ont désigné que des hommes. Seule l’APAC a désigné l’unique femme qui s’y trouve.
Les femmes journalistes sont parfois victimes de harcèlement dans les médias, que faites vous pour y remédier?
Pour le moment on n’a pas engagé d’actions concrètes mais c’est dans nos perspectives. Nous avons quand même organisé un forum en 2017 où les femmes journalistes de trois générations différentes avaient évoqué leur situation au sein des médias. Quelques recommandations avaient été faites. Il s’agit du renforcement de leurs capacités et leur protection. Pour le moment nous nous attelons à leur perfectionnement. Car quand une femme est professionnelle elle a un certain caractère qui va dissuader certaines tentatives des hommes. Car ces derniers auront peur qu’elle porte plainte contre eux.
Aujourd’hui quel est votre regard sur la situation de la presse guinéenne en général ?
J’ai un sentiment mitigé. Quand je fais la rétrospective je me rend compte que d’énormes efforts ont été consentis pour que la presse soit à son niveau actuel. Je félicite les aînés qui se sont battus pour libéraliser les ondes en Guinée et nous doter de la loi L002 sur la liberté de la presse. D’un autre côté lorsque je regarde les enjeux actuels et l’avenir de la presse, j’ai le coeur serré à deux niveaux : le premier concerne le niveau économique des médias. Qu’on ne se voile pas la face aujourd’hui les médias n’ont pas un modèle économique leur permettent de fonctionner comme de véritables entreprises. Il faut embaucher les gens légalement avec des contrats de travail et qu’ils soient dans des conditions de vie et travail adéquates. etc… Le deuxième enjeu se trouve au niveau de la protection des journalistes et leur métier. A l’heure actuel ce métier est fortement menacé. D’abord la loi L002 est depuis 2015 dénigrée par les différents ministres qui se sont succédés au département de tutelle. On a appris qu’il y aurait un groupe de travail pour changer cette loi. Il faut que nous journalistes nous nous levons pour protéger cet acquis. Il faut éviter de retourner à la case départ, car si la presse est bâillonnée c’est la dictature qui risque de s’installer dans le pays
Qu’est ce que Asmaou aimerait faire d’autre dans le futur?
J’aimerai que dans cinq ans vous m’interviewez dans une ferme. J’aimerai bien me lancer dans l’agriculture.
Hadjiratou BAH