Afrique : La défécation à l’air libre, une pratique très risquée
Par Mounir Swissi
Tunis (dpa) – Dépourvus d’accès à un assainissement de base, comme les toilettes et les latrines, plus de 200 millions de personnes en Afrique subsaharienne défèquent en plein air, une pratique très risquée en termes d’hygiène. Dans cette région du continent, la forte croissance démographique a provoqué la hausse du nombre de personnes pratiquant la défécation à l’air libre, lequel est passé de 204 millions à 220 millions de personnes entre 2000 et 2015, selon le rapport « Progrès en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène », publié, en 2017, par l’OMS et l’Unicef. Ce rapport avait marqué le 25 ème anniversaire du Programme commun OMS/Unicef de suivi de l’approvisionnement en eau et de l’assainissement.
Le nombre des Africains subsahariens sans accès à l’assainissement et de ceux qui pratiquent la défécation à l’air libre a augmenté depuis 1990 en raison de l’accroissement de la population et de l’insuffisance des progrès, d’après ce document. L’Éthiopie est le pays africain qui a le plus réduit la part de la population pratiquant la défécation en plein air. Celle-ci est passée de 92 pour cent (44 millions de personnes) en 1990 à 29 pour cent (28 millions de personnes) en 2015, soit, en moyenne, une baisse de 4 pour cent par an sur 25 ans.
Insuffisance des investissements
Les progrès en matière d’assainissement ont été entravés par l’insuffisance des investissements, le manque de matériel d’assainissement à des prix abordables pour les pauvres et les normes sociales qui acceptent, voire encouragent la défécation en plein air, a-t-on fait remarquer.
En Afrique subsaharienne, 319 millions de personnes vivent sans accès à l’eau potable et environ 700 millions de personnes n’ont pas accès à des services d’assainissement. Pour parvenir à l’accès universel à l’eau et à l’assainissement, en Afrique de l’Ouest et du Centre, il faut investir entre 20 à 30 milliards de dollars, chaque année, selon le rapport OMS/UNICEF. Chaque dollar investi dans l’eau et les toilettes permet d’économiser en moyenne 4 dollars en frais médicaux, d’éviter des décès et d’accroître la productivité, estime l’OMS.
Maladies
L’absence de services d’assainissement et la défécation à l’air libre causent de nombreuses maladies et entrainent des coûts associés d’ordre économique, humain, social, sanitaire et environnemental qui constituent un lourd fardeau pour les pays africains.
En effet, un gramme de fèces peut contenir 10 millions de virus, un million de bactéries et mille kystes parasites. Les mauvaises pratiques d’assainissement et d’hygiène (par exemple, ne pas se laver les mains au savon après avoir déféqué et avant de manger) contribuent, selon l’OMS, à plus de 800.000 décès dus à la diarrhée chaque année, plus que les décès liés au paludisme, à travers le monde. Les maladies diarrhéiques imputables au manque de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène tuent, chaque année, en Afrique subsaharienne, 180.000 enfants de moins de 5 ans, soit à peu près 500 par jour, selon l’Uunicef.
Agressions sexuelles
« La défécation en plein air est un affront à la dignité, à la santé et au bien-être, en particulier des filles et des femmes », a déploré la Directrice exécutive par intérim du « Water Supply and Sanitation Collaborative Council » (WSSCC), Sue Coates, lors de la célébration, le 19 novembre 2020, de la « Journée mondiale des toilettes ». « Des centaines de millions de filles et de femmes dans le monde manquent d’intimité lorsqu’elles ont leurs règles. La défécation en plein air les expose également à un risque accru d’exploitation sexuelle et d’insécurité personnelle », a-t-elle souligné, précisant que 673 millions de personnes, à travers le monde, pratiquent la défécation en plein air, dont 91 pour cent vivent dans des zones rurales.
En Afrique subsaharienne, l’absence d’installations sanitaires et la pratique de la défécation à l’air libre mettent les femmes et les filles face au risque d’agression, de harcèlement et de viol. En effet, l’équipement des écoles en toilettes propres et sûres est un facteur de scolarisation des filles. Celles-ci abandonnent l’école quand elles atteignent la puberté et qu’il n’y a pas d’installations sanitaires adéquates disponibles.
Pour mettre un terme à la défécation à l’air libre, Il faut investir en permanence dans la construction, l’entretien et l’utilisation des latrines et autres services de base. Il faut aussi « un changement durable dans le comportement de communautés entières afin qu’une nouvelle norme, l’utilisation des toilettes par tous, s’instaure et soit acceptée », a conclu Sue Coates.
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Source:dpa. news