Au Maroc, les contraintes dictées par le Covid-19 constituent une occasion pour accélérer la transformation digitale du processus judiciaire.
Tunis (dpa) – Dans un contexte de lutte contre la pandémie du nouveau coronavirus (Covid-19), le Maroc a lancé, fin avril 2020, un dispositif de procès à distance, pour la première fois dans l’histoire du pays. Adopté actuellement pour les affaires « urgentes », ce dispositif sera appliqué uniquement pendant la période du confinement, en vue d’assurer la « continuité du travail de la justice », ont fait savoir les autorités judiciaires marocaines.
Les procès « à distance » ne sont pas adoptés dans le code de procédure pénale marocain. Mais, « dans la conjoncture actuelle », le recours à cette technique « demeure régi par la condition de force majeure », a annoncé le ministre marocain de la Justice, Mohamed Ben Abdelkader, la veille du lancement.
Le dispositif consiste en l’utilisation de visioconférences permettant de réunir, d’une part, les juges et les procureurs dans les tribunaux, et d’autre part, les prévenus en état d’arrestation, et leurs avocats. À cet effet, des prisons et des tribunaux ont été dotés d’équipements pour la communication audiovisuelle entre l’établissement pénitentiaire et la salle d’audiences.
Lors du lancement au tribunal de première instance de la ville d’El Kelâa des Sraghna (centre), son président, Mohamed Chatoui, a expliqué que cette technique numérique permet aux détenus de communiquer avec l’instance judiciaire et la défense sans assister réellement à l’audience et au tribunal de s’assurer de l’identité des prévenus, de les informer des charges retenues contre eux, de procéder à leur interrogatoire et de prononcer le verdict.
Contaminations dans certaines prisons
Selon Abderrahim Tahiri, vice-président du tribunal de première instance d’Errachidia (sud), le recours au procès à distance a été imposé, entre autres, par l’apparition du Covid-19 dans certaines prisons. À la date du 10 mai 2020, près de 400 cas de contamination ont été détectés parmi les détenus et les fonctionnaires de plusieurs prisons marocaines, selon des statistiques publiées par laDélégation générale à l’administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR). Selon des chiffres officiels, les prisons marocaines comptent 80.000 détenus et emploient 10.200 fonctionnaires.
Durant le procès à distance, le port des masques de protection et la distanciation sociale sont obligatoires, conformément aux mesures préventives adoptées par les autorités, a fait remarquer le ministère public marocain. Un procès de ce type ne se fait qu’après l’accord de la personne concernée. En cas de refus, l’audience est reportée, a affirmé le président du tribunal de première instance de Tinghir (centre), Abdellatif El Ansari.
Avant le procès à distance, l’accusé a le droit à la communication par téléphone avec son avocat pour préparer sa défense, mais à condition que le parquet compétent communique à l’administration de la prison concernée le nom et le numéro de téléphone de cet avocat, trois jours avant la date prévue pour l’audience.
Une occasion pour réformer la justice
L’initiative a été saluée par des avocats marocains qui ont proposé d’adopter le procès à distance dans le code de procédure pénale. Le ministre de la Justice a fait savoir que son département vient de terminer l’élaboration d’un projet de loi en la matière. Ce projet « jette les bases juridiques du procès à distance, dans le respect de toutes les garanties nécessaires à un procès équitable », a affirmé Mohamed Ben Abdelkader.
Les contraintes dictées par le Covid-19 constituent, selon des médias marocains, l’occasion idoine pour réformer la justice marocaine à travers l’accélération de la transformation digitale du processus judiciaire. Depuis le 20 mars 2020, le Maroc a déclaré « l’état d’urgence sanitaire » et le confinement pour freiner la propagation du virus.