Pour le chercheur en criminologie Mounir Eleuch, « les législations dans la majorité des pays africains ne sont pas en phase avec les progrès de la science pénale ».
Tunis (dpa) – Afin d’atténuer le risque d’entrée et de propagation de la pandémie de Covid-19 dans leurs prisons, plusieurs pays africains ont opté pour le « désengorgement » de leurs établissements pénitentiaires surpeuplés.
C’est le cas notamment de l’Afrique du Sud qui a annoncé, le 8 mai 2020, la remise en liberté, sous contrôle judiciaire, de 19.000 détenus, suite à l’enregistrement de foyers de contamination par le coronavirus dans certaines prisons du pays. Dans le même contexte, et en Afrique du Nord, la Tunisie a remis en liberté plus de 5000 détenus, entre mars et avril 2020, a déclaré à la dpa un responsable au ministère tunisien de la Justice.
En République démocratique du Congo (RDC), où des cas de coronavirus ont été enregistrés dans la prison de Makala, l’un des plus grands centres pénitentiaires d’Afrique, les autorités ont promis des « mesures de désengorgement ». Ces mesures s’appliqueront à une catégorie précise : « les détenus préventifs, des agents retenus pour des motifs bénins, ainsi que des personnes dont les arrangements ont été trouvés à l’amiable », selon un responsable judicaire congolais, cité par des médias officiels.
Pour Mounir Eleuch, chercheur tunisien en criminologie et auteur de plusieurs livres sur les droits des prisonniers, les prisons africaines sont surpeuplées à cause de « l’excès législatif de la criminalisation ». « Ainsi, des personnes sont emprisonnées même pour des délits mineurs et non violents, comme fumer un joint de cannabis, ou critiquer, sur Facebook, un responsable politique », a-t-il déclaré à la dpa.
Risque pour la santé, origine de violences
« Les législations dans la majorité des pays africains ne sont pas en phase avec les progrès de la science pénale, notamment en matière des alternatives à l’emprisonnement », a constaté Eleuch. Selon lui, le surpeuplement carcéral porte atteinte au droit de la personne à l’intimité. Il est aussi à l’origine de la détérioration de la santé physique (propagation des maladies) et psychique des détenus » et des violences entre prisonniers ou à l’encontre des gardiens de l’établissement carcéral.
« Dans de telles conditions, il est impossible d’appliquer un programme de réhabilitation et de rééducation aux profit des prisonniers. Au contraire, les prisons sont ainsi devenues une pépinière de criminels et un facteur de récidive », a déploré le chercheur. La transformation du contexte carcéral actuel exige à son avis des réformes pénitentiaires « urgentes » comme les peines alternatives à l’emprisonnement, telles que les peines économiques (amendes), le travail d’intérêt général et le bracelet électronique.