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DECLARATION DES ORGANISATIONS ET ASSOCIATIONS DE DEFENSE DES DROITS DE L’HOMME A L’OCCASION DE LA
CELEBRATION DE LA JOURNEE INTERNATIONALE DES DROITS DE L’HOMME, LE 10 DECEMBRE 2020 EN REPUBLIQUE DE GUINEE
En Guinée, cette année, la célébration du 72ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme intervient dans un climat post électoral ayant entrainé des violences engendrant des violations des droits humains se traduisant par des pertes en vies humained, des blessés, des arrestations et détentions arbitraires, du harcèlement judiciaire continu contre les opposants à un changement de constitution et à un 3ème mandat, l’interdiction d’exercer le droit de manifestation ainsi que des poursuites judiciaires contre les hommes de médias.
En outre, les violences faites aux femmes et aux filles restent préoccupantes, particulièrement les violences sexuelles et viols sur enfants, mais aussi dans le contexte du Covid 19 et des mouvements sociaux qui ont démontré la vulnérabilité accrue de ces dernières en période d’instabilité sociale, politique et économique. Nous retenons entre autre les nombreuses filles tombées sous des balles perdues et une femme utilisée comme bouclier humain. Nous saluons aussi le travail de l’OPROGEM (Office pour la Protection du Genre, des Enfants et des Mœurs) malgré des moyens limités et demandons qu’ils continuent de poursuivre les auteurs sans relâche afin que l’impunité face à ces crimes cesse.
A cela s’ajoute, au cours de cette année, de nombreuses violences entrainant de graves violations et atteintes aux droits humains enregistrées à l’occasion des manifestations contre un changement constitutionnel et un troisième mandat. Des citoyens sont arnaqués par les forces de sécurité installées au niveau certains barrages pour faire respecter les mesures instaurées pour lutter contre le COVID 19. C’est le cas notamment à Coyah et à Dubréka au mois de mai 2020.
Nos Organisations et Associations avaient salué l’annonce d’ouverture d’enquête par les autorités pour faire la lumière sur ces cas suite aux dénonciations et à l’indignation que cela a suscité dans la cité.
Cependant, nous restons préoccupées par un certain nombre de situations :
La lenteur qui caractérise la majorité des procédures judiciaires relatives aux violences enregistrées lors des manifestations contre le troisième mandat depuis octobre 2019 et les violences enregistrées à Coyah et Dubréka dans le cadre de la lutte contre le COVID 19 ;
La crise de confiance entre le gouvernement et les partis politiques de l’opposition caractérisée par la rupture du dialogue politique.
Le retard accusé dans l’organisation du procès portant sur le dossier du 28 septembre 2009 alors que les autorités s’étaient engagées à ouvrir le procès en juin 2020 ;
La lenteur dans le processus de réconciliation nationale alors que le rapport sur les consultations de la Commission Provisoire de réflexion sur la réconciliation nationale (CPRN) a été remis au Président de la république depuis juin 2016 ;
Une situation carcérale caractérisée par les mauvaises conditions de détention dans les maisons centrales et d’arrêt dues à la surpopulation carcérale entraînant des maladies et décès ;
L’existence d’un projet de loi sur les associations qui contient des dispositions portant gravement atteinte aux fondements de la liberté d’association et constituant un recul par rapport à la législation en vigueur. A cela s’ajoute la suspension de fait de la délivrance des agréments aux ONG et associations qui en expriment le besoin ;
Les violations et atteintes à la liberté d’expression et d’opinion se traduisant par le harcèlement judiciaire contre les journalistes.
L’impunité face aux violences faites aux femmes et aux filles.
Soucieuse de la préservation de la paix, de la quiétude sociale, du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales des citoyens, les Organisations et Associations de défense des droits de l’Homme lancent un appel :
Au président de la république, garant de la Constitution, pour
-Son implication personnelle pour renouer le dialogue entre le gouvernement et les partis politiques ;
-Son implication personnelle dans la lutte contre l’impunité, à travers la tenue, du procès du massacre du 28 septembre 2009 ainsi que la poursuite de tous les auteurs et commanditaires de violations et atteintes des droits humains;
-Le passage à la phase opérationnelle du processus de réconciliation nationale par la mise en place d’une Commission « Vérité, Justice et Réconciliation » conformément aux recommandations de la CPRN ;
-L’effectivité de la liberté de manifestation conformément aux lois de la république ;
– Le renforcement de la lutte contre la corruption sous toutes ses formes et les crimes économiques ;
-Veiller à la poursuite de la réforme des secteurs de la sécurité et de la justice avec un accent particulier sur le respect des droits des humains et des règles relatives à l’usage disproportionné des la force par les forces de défense et de sécurité ;
-Le renforcement de la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles ;
-Veiller au caractère républicain de l’administration en sanctionnant toute prise de position partisane d’un agent de l’Etat dans l’exercice de ses fonctions. La modernisation de l’administration est à ce prix ;
Au Premier ministre, chef du gouvernement pour qu’il:
– S’engage et s’implique dans le dialogue politique et social conformément au mandat que lui confère la Constitution et qu’il veille au respect et à l’application des accords signés entre le pouvoir et l’opposition d’une part et les partenaires sociaux d’autre part ;
-Veille au respect par ses services compétents des règles régissant l’exploitation des ressources naturelles conformément aux normes internationales en la matière et qu’il s’assure que les entreprises s’acquittent de leur responsabilité sociale au plan environnemental par la mise en place de mécanismes fiables prenant en compte les préoccupations des populations riveraines des sites miniers ;
Au ministre de la Justice, garde des sceaux pour l’accélération :
-des procédures judiciaires pendantes devant les juridictions notamment sur les violences enregistrées avant, pendant et après l’élection présidentielle du 18 Octobre 2020, à celles liées aux manifestations du FNDC depuis octobre 2019 et à l’ouverture du procès relatif au 28 septembre 2009 ;
– du processus d’élaboration de la loi sur la protection des défenseurs des droits de l’Homme ;
-des procédures de traitement des cas de violences faites aux femmes et aux filles, particulièrement des violences sexuelles ;
Au ministre de l’Unité nationale et de la citoyenneté pour qu’il
-Maintienne le rythme de coopération avec les mécanismes africains et onusiens des droits de l’Homme à travers une présentation régulière de rapports au niveau de ces mécanismes ;
-Vulgarise la lettre de politique nationale des droits de l’Homme adoptée par le gouvernement en vue de son appropriation par les citoyens. Les organisations et associations des droits de l’Homme s’engagent à accompagner son département dans ce travail de vulgarisation ;
Au Ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation afin qu’il délivre au mouvement associatif les agréments dont ils ont besoin pour renforcer leur personnalité juridique ;
A l’Assemblée nationale pour qu’elle
-Veille à l’adoption et à la promulgation en l’état, des lois de la république tout en s’assurant qu’elles sont respectueuses des droits de l’Homme ;
-Crée des commission d’enquêtes parlementaires chaque fois que des violations des droits de l’Homme sont commises.
Aux partis politiques pour qu’ils
-Privilégient le dialogue et la concertation, l’éducation citoyenne de leurs militants. Les conflits sont le naturel de l’Homme, mais ils ne sont dangereux que lorsqu’ils deviennent violents et que les parties en conflit ne parviennent pas à trouver des mécanismes pour les contenir ;
A la société civile, pour qu’elle continue à jouer son rôle de veille et d’interpellation pour le respect des droits de l’Homme.
Aux partenaires techniques et financiers que nous saluons et remercions ici afin qu’ils ne se lassent pas d’accompagner la Guinée dans sa quête quotidienne d’une société démocratique et respectueuses des droits de l’Homme où l’Etat dans sa puissance est soumis au droit. Nous en appelons particulièrement à une meilleure implication de la CEDEAO, de l’Union Africaine, de l’Union Européenne, des Etats Unis d’Amérique et des Nations Unies dans la crise politique actuelle afin d’éviter que le pays ne retombe dans un autre climat de violence susceptible d’engendrer d’autres violations graves des droits de l’Homme.
Conakry, le 10 Décembre 2020
Les ONGs et Associations des droits de l’Homme