Dr Touré qu’est-ce qu’un médicament et comment peut on reconnaître le vrai du faux?
Est défini comme médicament selon la loi guinéenne tout produit simple ou mélangé présenté comme pouvant être donné à l’homme ou à l’animal pour prévenir, guérir, atténuer une maladie ou un état physique anormal ou alors permettant de poser un diagnostic ou encore de corriger, restaurer, modifier une fonction biologique anormale chez l’homme ou l’animal. Par exemple les médicaments peuvent guérir une anémie, un palu, une parasitose…. On prend un médicament pour calmer une maladie, une douleur dont le pronostic vital est fatal comme le cancer… Il ya des aussi des maladies chroniques non guérissable tributaires d’une prise en charge médicamenteuse à vie comme le diabète, la drepanocytose, l’insuffisance rénale ou cardiaque… L’autre catégorie concerne les produits de contraste utilisés pour le diagnostic médical ou paramédical. Ils permettent en radiologie de mieux voir l’organe visé. A l’oeil nu on ne peut pas distinguer un vrai médicament du faux, il faut des analyses de laboratoire. C’est un problème très technique d’où l’enjeu du médicament et sa particularité. Ce qui explique les dispositions des pouvoirs publics pour mieux l’encadrer, le structurer, le baliser.
Dans ce cas est ce que le service contrôle et qualité joue son rôle vu qu’à vu d’oeil l’on ne peut pas faire la différence entre les médicaments?
Il faut d’abord la démarche, l’assurance qualité, c’est à dire prévoir tous les facteurs environnementaux qui de près ou de loin influencent la qualité du médicament.
Quelles synergies d’actions les pays devraient entreprendre pour que l’importateur soit sûr que le produit qu’il va acheter à l’étranger soit la qualité requise ?
D’abord l’application de la réglementation interne de chaque pays. L’OMS a créé des laboratoires régionaux avec des laboratoires performants. Ya la notion de traçabilité des unités de production membres de l’OMS contrôlées périodiquement par des experts pour garantir la qualité du médicament.
Qui est habilité à vendre le médicament ?
C’est le pharmacien lié au serment galiléen (valeurs éthiques et morales) qui le réglemente dans son travail. C’est à dire prioriser l’intérêt du malade par rapport au gain pecunier. S’il fabrique les molécules, mettre les bonnes doses. Si c’est lui qui dispense, prendre les médicaments à la bonne source.
Pourtant de nombreuses personnes qui n’ont pas forcément fait des études importent ou vendent des médicaments à la criée dans les rues ou dans des containers dans les marchés et c’est justement l’un de vos points d’achoppement avec le ministère de la santé. Quel est le danger?
Le danger provient du médicament de contrefaçon lui-même et la mauvaise manipulation qui peuvent conduire à la mort. Imaginez les conséquences chez un diabétique à qui on donne de la fausse insuline ou un enfant de deux ans auquel on donne une dose d’adulte.
Après assainissement du secteur pendant la période d’évaluation, de 110 grossistes, le nombre est revenu à 50 et parmi eux dix de nos jours répondent aux normes selon le ministère de la santé. Pourquoi exiger qu’il y ait seulement 4 grossistes pour le pays?
Ne peut-être grossiste qu’un spécialiste du médicament. La loi pharmaceutique est très claire en matière de création de sociétés grossistes. Elle obéit à deux critères qui sont démographiques et techniques. Côté démographie la moyenne est d’une société grossiste pour 3 millions d’habitants. En Guinée il ya 110 sociétés pour 12 millions d’habitants. Y’en a qui ont transformé des domiciles en magasins de stockage. D’autres sociétés grossistes n’ont pas d’emplacement fixe. Selon la loi un grossiste répartiteur doit disposer des 2 tiers des médicaments figurant à la nomenclature (par ex 2/3 de 4800 item, au moins 2000 médicaments permanament et pouvant couvrir les besoins de leurs clients pour 3 mois livrables en 24h à Conakry et 72h à l’intérieur). Certaines sociétés pour fuir les rigueurs de la concurrence du système libéral changent les noms des produits génétiques qu’on ne retrouve que chez elles. par exemple vous trouverez que le paracétamol a dix noms….Ces personnes viennent voir des médecins pour un partenariat. Ces produits personnalisés vont fatiguer le malade qui ne va pas les trouver dans les pharmacies sérieuses. Le volume des médicaments qui entre en Guinée est tellement grand par rapport à la démographie que les pays voisins devaient venir chercher la santé ici. (2 mille 44 milliards de médicaments importés en 2018). La diminution des sociétés grossistes va réduire le flux des faux médicaments. En 25 ans 33 agréments ont été signés par les 10 ministres qui se sont succédés au département de la santé de 1985 à 2010. A partir de 2011, soixante sept agréments dont un seul ministre a en trois ans signé 57. Les preuves sont là. Un seul et le plus jeune s’est démarqué du lot en respectant strictement le règlement Abdouramane Diallo que nous avons élevé au top 5 des meilleures ministres de la santé. Il a permis au gouvernement d’avoir une bonne lecture du secteur pharmaceutique.
Il faut aussi noter que ya peu de pharmacies publiques ou privées à l’intérieur du pays, tout le monde tend à se concentrer sur Conakry est ce que cela n’encourage pas le marché parallèle? Et certains citoyens pensent que des pharmaciens approvisionnent leurs officines à partir de médicaments du marché parallèle?
Quand le libéralisme a été consacré en 1985 les pharmaciens privés se sont installés sur l’ensemble du territoir. Malheureusement ils ont été déloyalement chassés par les marchés illicites non contrôlés et non réprimés. Il faut un assainissement. La réinstallation soutenue des pharmaciens d’officines privées à l’intérieur du pays fait parti de la plateforme revendicative du syndicat. S’agissant de la seconde question c’est une rhétorique classique. Un pharmacien sérieux sait auprès de qui s’approvisionner. Par exemple chez-moi vous ne trouverez pas plus de 4 sociétés grossistes référencées pour des raisons d’assurance- qualité, de traçabilité et de notoriété de ces sociétés.
Autre problème il n’ya pas que les médicaments importés il ya aussi ceux faits sur place par de simples citoyens dont certains ont été à un moment donné arrêtés par les autorités. Ya t’il un mécanisme de suivi ou de prévention de tels actes?
C’etait en 2015-2016 où le syndicat a déniché ces faux fabricants et sur appui de la brigade de répression, plus de 100 tonnes de médicaments avaient été incinérés à Enta. Ceci après avoir constaté que la santé publique était menacée. Malheureusement nous n’avons pu mener ces actions que pendant dix mois car stoppés dans notre élan.
Pourquoi le syndicat des pharmaciens de Guinée a t’il voulu déclencher une grève sur l’ensemble du territoire?
Le non respect de l’accord par le ministère de la santé. Après notre rencontre le 20 mars 2019 avec le Président de la République, ce dernier avait instruit le 27 du même mois de ne pas avoir plus de 4 sociétés grossistes en Guinée. Le 2 avril 2019 la brigade medicrime devait commencer à agir sur le terrain et un communiqué audiovisuel devait passer pour annoncer que toute personne qui n’est pas pharmacien prise avec des médicaments irait en prison, mais le ministre n’a pas exécuté.
Ce week-end, veille de la grève les négociations avec le ministère de la santé ont continué et ont abouti à la suspension de la grève, en quoi consiste l’accord?
D’abord la brigade medicrime a été installée hier 20 janvier 2020, et dans 72h (jeudi) elle va commencer à ramasser les faux médicaments et les brûler. Ensuite une commission constituée de techniciens du ministère de la santé et nous organisations professionnels allons achever le choix des 3 sociétés grossistes.
Quelle est la composition de la brigade medicrime et qui va financer son fonctionnement ?
L’article 15 de la nouvelle loi pharmaceutique (votée le 20 juin 2018 par l’Assemblée Nationale et promulguée le 13 juillet par le PRG) dit qu’elle est composée de douaniers, policiers, gendarmes, ministère santé et commerce. Ce comité technique relève du ministère de la Santé ainsi que son budget de fonctionnement.
Votre dernier mot?
Pendant le premier régime on avait au moins une unité de production de médicaments (UNIPHARGUI) exportés et localement utilisés. Cela assurait une rentabilité financière et économique. Les 33 pharmacies d’état avaient chacune sa galénique, son préparatoire. Les gens venaient chercher l’expérience ici et vivent de ça dans leurs pays aujourd’hui. Mais après 1984 nous sommes devenus des consommateurs de médicaments. Selon les chinois si la Guinée valorisait son potentiel en plantes médicinales elle disposerait d’une valeur de 50 ans de réserves de devises. De nos jours le secteur pharmaceutique est en attente d’être réhabilité en profondeur pour qu’il joue son rôle d’avant garde pour disponibiliser des médicaments qualifiés adaptés à nos besoins, nos pathologies. Ceci à travers la fabrication locale.
Hadjiratou Bah