La lèpre fait partie des maladies tropicales négligées MTN. Un groupe de maladies transmissibles répandues dans les régions tropicales. Elles touchent plus de 1 ,5 milliards de personnes dans le monde dont 39 pour cent vivent en Afrique. 47 pays africains sur 55 sont endémiques à au moins une MTN. La région de Boké est endémique à la lèpre. Présentement le centre de traitement lèpre tuberculose et onchocercose (LTO) a six malades sous traitement. Des efforts sont fournis pour vaincre la maladie même si des défis restent à relever.
C’est en 2018 que Mamadou Tahirou Diallo âgé de 21 ans a remarqué deux taches sur son corps. Une au niveau de la jambe et la seconde au bras. Son diagnostic montre qu’il a la lèpre. Une maladie infectieuse causée par les bacilles de Hansen qui atteignent les nerfs et la peau. Elle peut se transmettre également par les goutteles de flux d’un malade multi bacillaire à un individu sain. En plus de l’apparition des taches hypo pigmentées sur n’importe quelle partie de la peau, qui ne fait pas mal et ne démange pas. Le malade va constater une insensibilité soit au niveau de plante du pied ou sur les paumes et la partie qui comporte la tâche ne transpire pas.
Les quatre premier mois, Tahirou Diallo a correctement suivi le traitement. Pour des raisons de temps dit-il, il abandonne le traitement pour une période de quatre mois. Lui qui devrait finir son traitement au mois d’octobre passé, il revient voir son médecin le 15 janvier 2021 après plusieurs coup de fils de ce dernier. A cette date, il n’a qu’une seule tache au niveau du bras, celle de la jambe a disparue. Mais il a commencé à développer les complications notamment le gonflement des nerfs. Son médecin envisage un soin approprié pour calmer les douleurs et ramener le nerf en fonction pour lui éviter la mutilation à la longue. La lèpre se guérie, cependant le suivi des patients est à vie car les bacilles morts se trouvant dans le corps deviennent gênant et peuvent entrainer des graves complications.
Saifiou Bah âgé de 70 ans est guéri de la lèpre. Depuis 2005 il est sous traitement, les quatre taches qu’il avait sur sa peau ont toutes disparues. Chaque trois mois il vient pour le contrôle voir s’il y a des complications car elles peuvent survenir avant, pendant et après le traitement affirme Saliya Diakité infirmier superviseur des MTN à Boké. Les personnes touchées par les MTN vivent souvent dans des lieux enclavés. « J’habite à Wendoubory c’est à 90 km de Boké ville. Je fais mon contrôle chaque trois mois et on me donne les médicaments pour le trimestre. C’est gratuit on nous aide même pour le transport. Je dirais à toute personne qui à cette maladie d’aller à l’hôpital ».
Présentement le centre de Boké a six malades sous traitement dont trois dans la sous-préfecture de Dabis, un à Tanéné, un à Kolabumgni et un à Kamsar.
Le diagnostic de la lèpre repose sur deux stratégies : la première dite avancée active qui consiste à aller rechercher les malades qui sont dans les zones les plus enclavées à accès difficile, ou qui ont des contacts qui ont eu des parents malades et développant maintenant la lèpre. La seconde stratégie, les malades viennent eux-mêmes dans les structures pour dire qu’ils ont des taches sur le corps. Est-ce que c’est la lèpre ou pas. Après prélèvent, la biobsie cutané permet de confirmer l’existence de la maladie. Ensuite les malades sont classés en deux groupes selon le schéma de l’OMS à savoir : les pocibacillaires et les multi bacillaires.
« Une fois le diagnostic posé, on a le médicament qu’il faut pour le traitement. C’est une plaquette de 28 compris, y a des flèches indicatives pour la prise et c’est mensuel. Les malades multi bacillaires prennent 6 comprimes à la fois au départ, puis suivent le sens de la flèche, la durée du traitement est de 12 mois. Les pocibacillaires prennent 3 comprimes à la fois et suivent également l’indication de la flèche. La durée du traitement est de 6 mois. Dès qu’ils atteignent le 27eme ou 28eme jour ils viennent ou envoient quelqu’un prendre le médicament. C’est pour faire disparaitre les taches et empêcher la survenue des complications. Le traitement est gratuit grâce à l’appui du programme et ses partenaires ».
En fonction de l’amélioration du malade, le suivi est programmé mensuellement, par trimestre voir même annuel. En venant pour le contrôle, le médecin exige la plaquette vide pour voir si le médicament a été bien pris et qu’il ne développe pas de complications.
Pour les complications très graves, voici jusqu’où le centre Lèpre Tuberculose Onchocercose (L T O) de Boké peut intervenir : « Pour les malades qui ont des complications, on fait le pansement des plaies et la corticothérapie pour minimiser les complications et guérir les plaies si on trouve que les nerfs ont une sensibilité. Pour le moment on fait le traitement en ambulatoire. On leur recommande aussi le port de lunettes pour éviter des problèmes oculaires, des chaussures mous, ne pas faire certains gestes qui peuvent affecter leur état. Lorsque la complication est très grave le malade est référé au centre PIRP de Kindia pour qu’il bénéficie des soins appropriés comme la rééducation (kinésithérapie), la chirurgie pour remettre les nerfs en fonction sans parler du pansement des plaies ».
Saliya Diakité ajoute : dans les temps passés on a fait venir des cas rares ici, c’était dans le cadre du PIRP. Y’avait parmi eux une femme de Kisomaya dans Dabis qui a été abandonnée par son mari à cause de la lèpre puisqu’elle avait des complications mais on n’a pu la sauver grâce à l’appui du programme. Y’avait aussi un jeune dont le traitement a réussi, il est maintenant en occident.
Nous n’avons pas pu mener nos activités au centre de prévention des invalidités et réadaptation physiques PIRP de Kindia pour connaitre l’état des malades.
Au programme national de lutte contre les MTN nous avons rencontrés le chef service lèpre qui nous a fait la situation de cette maladie en Guinée. « En moyenne 250 nouveaux cas de lèpre sont détectés chaque année dans les préfectures du pays. La Guinée forestière est la région la plus prolifique à la lèpre qui en 2018, a enregistré 58 cas, suivi de la Basse Guinée avec 47 cas. La moyenne Guinée est la région la moins atteinte avec 10 cas détectés lors du dépistage et 15 malades ». D’après lui, le nombre élevé de la lèpre en zone forestière s’explique par sa démographie par rapport aux autres régions vu que la maladie est contagieuse et se transmet d’une personne malade à une saine.
Les défis concernent le manque de moyens de déplacement des agents pour aller chercher les malades dans les zones enclavées à accès difficile. Il y a aussi la réticence de certains malades au traitement et manque de certains équipements dans certains centres comme Boké.
En termes d’avancées le chef services lèpre précise : « La connaissance des MTN par le personnel soignant et la population, la disponibilité du médicament dans toutes les structures du pays. Pour ce qui est de la lèpre, le diagnostic se fait dans toutes structures. La mise en place des centres de prévention des invalidités et la réadaptation physique des malades PIRP à Faranah, Kankan, Kindia et Pita. Ces structures sont construites et équipées par les partenaires engagé pour l’élimination des MTN. La réinsertion socio-économique des guéris au sein des communautés.
Parmi les expériences acquises dans la lutte contre les MTN on peut citer le couplage de la campagne de traitement de masse de médicaments (TDM) aux dépistages des cas de lèpre et d’ulcère de brulis, la résilience des campagnes de TDM dans le contexte covid-19. Par ailleurs l’implication des communautés permettra de lutter contre la stigmatisation des malades pour que les MTN soient vues comme les autres maladies. En plus ça va permettre de mener des campagnes de dépistage pour toucher le maximum de malades et recenser tous les contacts. Deux approches vont contribuer dans l’atteinte de l’objectif 2030 visant l’élimination des MTN.
Maimouna Bangoura