Comment reconnait t’on le cancer de peau chez les personnes atteintes d’albinisme ?
Il ya plusieurs circonstances de découverte. Le cancer se développe généralement sur un terrain de kératose qui est un épaississement de la peau lié à la brûlure cutanée par les rayons ultraviolets du soleil. Cette lésion là devient chronique. Après ya des lésions nodulaires c’est-à-dire des petites boules où des plaques qui se forment sur la peau. Il peut y avoir changement de couleur et ces boules peuvent aussi prendre l’aspect d’une ulcération (plaie superficielle). Se sont ces plaies qui vont évoluer en cancer cutané.
Combien de cas recevez vous généralement et combien avez vous pu sauver ?
Nous sommes à plus de 50 cas de cancers cutanés chez les personnes atteintes d’albinisme. Elles représentent pratiquement 30 à 40% de l’ensemble des cancers cutanés. En 2014 on a organisé une campagne de dépistage avec l’association guinéenne de lutte contre le cancer lors de la journée mondiale contre cette maladie. Sur 150 personnes atteintes d’albinisme une quinzaine avait le cancer. Onze ont été traitées et guéries. C’est l’année à laquelle on a eut une forte incidence du nombre de cas. A 80% les opérés guérissent, toutefois ils doivent toujours faire l’objet de surveillance. Par exemple vous traitez une partie aujourd’hui si l’exposition solaire continue ya des risques d’apparition d’autres foyers.
Quel est le cas qui vous a le plus marqué dont le traitement n’a pas réussi ?
C’est d’être en face d’un enfant albinos atteint d’un cancer qui a rongé la tête, les oreilles et qui est entré jusqu’au cerveau. Ces images là ne nous quittent pas les yeux.
Comment se fait le traitement et à quel coût?
Il faut d’abord un diagnostic précis car il ne suffit pas de voir que le patient a une lésion cutanée pour dire qu’il a le cancer. En fonction de la taille du cancer on fait une évaluation sur toute la surface cutanée pour voir s’il n’ya pas d’autres foyers et autres maladies associées. Le traitement est chirurgical. On fait l’ablation de la lésion à laquelle on associe parfois une greffe de peau ou chirurgie plastique. La majorité des lésions siègent sur les parties exposées au soleil, la face et le cou (80%). On fait exceptionnellement la chimiothérapie lorsqu’on voit qu’une chirurgie n’est pas possible. Tous les cas qu’on a pris en charge sous chimiothérapie ont très mal réagi à ce traitement. En outre 9 sur 10 personnes ne terminent pas la thérapie. Elles font une seule cure et ne viennent plus par manque d’argent. La radiothérapie est indiquée bien que ce soit à risque pour les personnes atteintes d’albinisme mais c’est surtout pour des lésions difficilement ou pas du tout enlevables. Malheureusement le pays ne dispose pas de radiothérapie. Le coût, s’il s’agit de la chimiothérapie dépend des doses de médicaments prescrites au patients qu’il s’agisse d’un enfant ou d’un adulte, peut aller de deux à quatre millions de francs guinéens par traitement pratiquement toutes les trois semaines. Pour l’opération, ça peut aller dans les trois, quatre, cinq millions en tenant compte du volume à enlever. Si la prise en charge ne peut pas se faire à l’hôpital public, il faut aller dans le privé où des tarifs sociaux négociés sont appliqués.
Votre centre dispose t’il de ressources humaines et matérielles appropriées pour la prise en charge des pathologies des PAA?
Les ressources humaines ne posent pas de problème. Les agents sont formés en ce sens. Ce que nous n’avons pas c’est la radiothérapie et l’accès à la chimiothérapie doit être amélioré pour la population en général. En plus nous travaillons en étroite collaboration avec le service de dermatologie qui reçoit la plupart des patients et détecte les cas de cancer. De 2017 à ce jour aucun malade ne reçoit un traitement sans que son dossier ne fasse l’objet d’une discussion pluridisciplinaire.
L’ État ne devrait il pas prendre en charge le traitement du cancer de peau de cette couche vulnérable?
Bien sûr et cela pour tous ceux qui ont le cancer. Ya eut des approches à chaque événement auprès du ministère de l’action sociale. L’ANIES ce fonds créé par l’état devrait normalement prendre en compte la prise en charge des personnes vulnérables quelque soit leur localisation si elles ont la carte d’assistance. Le cancer est une maladie très coûteuse s’il n’ya d’assurance, de sécurité, la prise en charge devient complexe même pour ceux qui disent avoir les moyens car quand on leur prescrit des ordonnances cest compliqué.
« Fait(e) pour briller »est le thème 2020 de la journée internationale de sensibilisation à l’albinisme pour mettre en valeur le potentiel de ces personnes.
J’ai soigné des PAA qui ont été nommés à des postes de responsabilité. Aujourd’hui dans l’administration il y en a qui sont à des niveaux de décision très élevés. C’est pour dire qu’il suffit d’accompagner cette couche. A part le manque de mélanine elle n’a aucun déficit physique ou mental. Le seul problème à cause de leur peau les PAA sont stigmatisées par leur propre famille et la société.
Dr Bangali Traoré quel conseil avez vous à donner pour l’amélioration de la situation des personnes atteintes d’albinisme?
Il faut d’abord faciliter l’integration familial et socio-professionnelle des PAA pour éviter que les enfants soient tout le temps dans la rue entrain de mendier, exposés au soleil et aux maladies. Ensuite faciliter l’accès aux services de consultations en ouvrant par exemple une consultation de surveillance dermatologique pour permettre de détecter plus précocement les lésions suceptibles d’apparaître et leur prise en charge immédiate. Il faut aussi faciliter l’accès aux crèmes solaires.
HADJIRATOU BAH