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Les différentes violences dans le pays ont enregistré de nombreux dégâts matériels, des morts et des blessés. Des actes qui laissent des séquelles chez les victimes et leurs parents notamment les enfants. Appelés à assurer la relève de cette nation quelle serait l‘impact psycho-social dans la vie future de ces enfants s’ils ne bénéficient pas d’assistance ?
« Au cours d’une manifestation peu avant les législatives de 2020, j’ai perdu mon fils aîné de 17 ans. Trois balles l’ont touché en plein coeur et tué sur place dans la cour où ses amis et lui s’étaient réfugiés pour échapper aux forces de maintien d’ordre. Ce choc ne m’a jamais quitté. Jusqu’à présent ses jeunes frères font des cauchemars et quand je sors avec le petit dernier il a peur et lâche ma main pour fuir dès qu’il voit une force de sécurité. Jusqu’à présent le petit a du mal à s’exprimer, » explique bouleversé un
quinquagénaire de la banlieue de Conakry. Il n’a jamais pensé voir un psychologue ni y envoyer ses autres enfants.
Pourtant ce comportement est un signe de traumatisme pouvant affecter la vie psycho-sociale de ces enfants s’ils ne bénéficient pas d’assistance, explique le psychologue Dr Ibrahima Missira Diallo: « Quand un enfant est traumatisé, sur le plan social il se sent stigmatisé, rejeté, discriminé et c’est un enfant amené à être violent car il va se mettre en tête qu’il va venger ses parents. Sur le plan du développement intellectuel il y aura le manque d’apprentissage et l’inadaptation. Sur le plan intégration familial il y aura la non protection de la part des adultes mais ce sont des enfants qui se retrouvent dans la rue le plus souvent et demeurent dans l’insécurité total. S’ils ne sont pas assistés psychologiquement ils peuvent développer la frustration et ne pas s’épanouir sur tous les plans. C’est des enfants généralement timides car ils ont vécu une maltraitance infantile. »
A cela s’ajouteront à la longue des troubles dépressifs et anxieux, affectifs, sexuels, cognitifs, de somatisation et même alimentaires. Ils peuvent s’adonner à la consommation de stupéfiants, l’enrôlement dans des gangs en guise de défense. Ces enfants peuvent aussi développer des troubles de personnalité une fois adultes.
Dr Diallo déplore la faible vulgarisation de la prise en charge psychologique des victimes de violences politiques malgré son importance. Seules quelques ONG de défense des droits humains lui réfèrent souvent des enfants. Mais pour un effet à large échelle il souligne l’importance de l’implication de l’État car la réussite de la prise en charge doit prendre en compte quatre volets principaux que sont la prise en charge médicale, psychologique, rendre justice et la réinsertion sociale.
Généralement, ces enfants sont considérés comme des hors la loi ou en conflit avec la loi alors qu’ils ne font que reproduire un modèle d’injustice sociale.
Lutter contre l’impunité donne l’opportunité à la société et ses membres de se guérir de ce traumatisme car le cycle continu de violences politiques n’arrange personne, souligne Patrice Vahard Représentant du Haut Commissariat des Nation-Unies aux droits de l’Homme en Guinée: « ces enfants méritent vraiment qu’on s’y attarde. Pourquoi on insiste sur les droits de l’enfant, c’est pour les préparer à devenir des adultes qui ne ruminent pas des frustrations jamais adressées mais plutôt des gens qui sont fiers d’appartenir à une nation à laquelle ils se reconnaissent. Il est dit dans nos coutumes qu’il est plus facile de dresser un petit arbre quand c’est une tige que de vouloir redresser un baobab. Ces enfants sont ces tiges qui ont besoin de tuteurs aujourd’hui (société) et pas seulement leurs familles biologiques. Ils regardent comment la société résout ses contradictions quand il y’a une injustice, des abus, ou violations quelque part. Si c’est de façon transparente, juste et équitable, ils vont retenir l’équité comme étant la façon de vivre mais s’ils sentent que parce qu’ils sont de telle ethnie ou tel groupe et que c’est comme ça que ça se fait, c’est ce qu’ils vont transposer lorsqu’ils deviendront adultes et qu’ils seront aux affaires demain. Mais on peut rompre ce cycle là, c’est ça la valeur ajoutée de l’État de droit. »
L’ inclusion est plus bénéfique, socialement, politiquement et économiquement que la marginalisation et l’exclusion. Cela passe entre autre par une « justice communautaire », c’est à dire qu’il ne s’agit pas seulement de construire des cours et tribunaux mais d’insuffler dans l’administration du service de la justice les principes des droits de l’homme de manière profonde pour que ça devienne le substrat de cette administration et que les citoyens aient le réflexe d’aller à la justice, ajoute t’il. Presque 1/3 des recommandations faites à la Guinée lors de l’examen périodique universel (EPU) de 2020 porte sur le secteur de la justice dans différents aspects (civiques, économiques, etc).
Hadjiratou Bah
Une initiative de la CONAREG et Sites of Conscience dans la troisième phase de son projet « prévention de la violence et consultations communautaires en Guinée.