La Guinée a de tout temps été émaillée de violences politiques notamment post électorales où pendant des manifestations. Des actes qui engendrent des destructions de biens publics et privés, des arrestations, des blessés et des morts (citoyens et de sécurité). Ces situations ne sont pas sans conséquences sur le développement socioéconomique du pays. Quelles en sont les origines? Comment y remédier et maintenir une paix durable?
Les contestations et violences politiques en Guinée trouveraient leur origine pendant la période coloniale selon Alhassane Makanera Kaké. Ce professeur de droit et chercheur explique qu’en 1942 le colon a organisé les premières élections en Guinée dont les candidats présentés étaient à base régionale et ethnique: « Après le scrutin le candidat de la basse côte n’a pas reconnu la victoire de celui de la moyenne Guinée. Il y’a eut une manifestation et le colon a sorti les gros moyens pour la réprimer. Il y’a eut des morts, plusieurs blessés et des arrestations. Depuis cette date (1942) à nos jours, nous n’avons pas pu faire une élection sans violence. Nous n’avons pas pu créer réellement des partis au sensconstitutionnel du terme qui ne sont pas ethniques. On reproduit la configuration coloniale de la politique. Nous ne nous sommes pas arrêtés pour nous demander où étions nous? Où sommes nous? Où voulons nous allez? Que voulons nous?, pour trouver une alternative à ces violences. Selon Machiavel, le politicien n’a pas d’âme et la fin justifie les moyens. Alors que s’agissant de développement il faut l’implication de toutes les couches sociales c’est pour cela qu’un gouvernant doit être un visionnaire en répondant à la question quelle société voulons nous demain? Il faudrait par exemple créer une administration publique dépolitisée au service du développement et remplacer cette administration héritée de la colonisation qui n’a qu’une vision de stabilité «
D’étatique au cours du premier régime, la violence s’est au fil du temps transportée dans la rue suite à des mécontentements divers. Selon les archives et des ONG, il y aurait eut au moins 50.000 morts au camps Boiro. Au cours de la seconde république, Souleymane Bah le président de l’organisation Guinéenne des Droits de l’homme (OGDH), se souvient toujours des centaines de jeunes tombés au pont du 8 novembre lors des manifestations des centrales syndicales le 22 janvier 2007: « le matin nous nous sommes retrouvés à la bourse du travail à Kaloum. De là nous sommes venus au marché Niger où les forces de l’ordre on lancé du gaz lacrymogène, certains tiraient à balles réelles car il y a eut beaucoup de blessés ce jour là. On nous a dispersé. A notre arrivée au palais du peuple on a rencontré des jeunes gendarmes qui n’étaient pas d’accord avec ce qui se passait et nous ont aidé à traverser le pont 8 novembre. Je suis allée chez Gadiri (défunt président OGDH) où beaucoup de jeunes étaient cachés. J’ai vu des militaires, des policiers, des gendarmes qui tiraient à balles réelles. Les gens tombaient comme des oiseaux. Les jeunes venus de la banlieue portaient les corps jusqu’au cimetière. Mais même là, ils sont venus tirer sur ces jeunes qui ont dû abandonner les corps. Dans les quartiers aussi des jeunes pro pouvoir créaient de sérieux problèmes aux marcheurs. On ne peut pas réellement dénombrer le nombre de blessés et de morts ce jour là ». Une situation qui ne s’est pas améliorée lors de la transition militaire où les victimes du 28 septembre 2009 attendent toujours justice. Depuis 2010 (troisième république) de nombreuses violations aux droits de l’homme ont aussi été enregistrés au cours des manifestations politiques sans qu’aucun agent ne soit inquiété, déplore t’il. Toutefois, le président de l’OGDH est convaincu que les canaux traditionnels et le rapport de la commission de réflexion sur la réconciliation nationale de 2016 initié par l’État seraient d’un grand apport si mis en application.
Ces différentes répressions ont au fil des ans engendré une méfiance entre forces de maintien d’ordre et populations d’un côté et de l’autre fragilisé le tissus social avec des impacts économiques : « si celui qui développe est violenté il y aura des impacts négatifs sur le développement. Depuis l’indépendance nous sommes à la 62ème année, ça aurait pu bouger mieux que ça en tenant compte des richesses naturelles que la Guinée dispose » , estime Souleymane Bah.
Afin de tourner les sombres pages de l’histoire guinéenne nos différents interlocuteurs s’accordent sur le fait qu’on ne peut obtenir la paix en excluant la justice
: « Il faut sanctionner pour garantir la non répétition. Il y’a des différences dans les violences que le pays a connu. Pour exorciser le mal, il faut d’abord le localiser, en déterminer les causes, les conséquences et les responsables. La responsabilité n’est pas que pénale. Il faut que ceux qui ont subit injustement certains torts puissent être indemnisés. Tout ce travail s’inscrit dans le cadre de la justice transitionnelle qui a pour objectif d’arriver à la paix. Donc tout doit être fait au sein des communautés, de l’ aÉtat pour parvenir à une entente et exorciser le mal, car on ne peut pas oublier mais on peut pardonner. Pour cela il faut que la vérité soit rétablie. Il y’a dans certains pays des lois qui reconnaissent la responsabilité de l’État, insiste Dr Alia DIABY, président de l’Institution Nationale Indépendante des Droits de l’homme. Pour lui, l’information et la formation en matière des droits de l’homme permettront de renforcer le civisme à tous les niveaux.
En attendant, pour orienter et soutenir les victimes de divers abus ou violences aux droits de l’homme qui ne connaissent pas les rouages de l’administration judiciaires, l’OGDH et l’INIDH disposent de cliniques juridiques.
Hadjiratou Bah
Une initiative de la CONAREG et Sites of Conscience dans la troisième phase de son projet « prévention de la violence et consultations communautaires en Guinée«