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Après la découverte du premier cas de coronavirus en Guinee le 12 mars 2020, le Chef de l’État a décrété certaines mesures afin de freiner la propagation de la maladie. Parmi ces mesures dont l’applicabilité sur le terrain a été confiée aux différentes forces sécuritaires du pays notamment la police nationale, il ya le couvre-feu, le port obligatoire de masques, la distanciation sociale, la limitation du nombre de passagers dans les transports en commun notamment, le contrôle des sorties des véhicules de Conakry vers l’intérieur du pays. Différentes activités qui n’ont pas été facile à exécuter au début de ces cinq mois explique dans cette interview de Hadjiratou Bah, le Contrôleur Général de police Mamadou Camara, DGA et porte-parole de la police nationale.
Depuis l’instauration des mesures d’urgence quelles sont les difficultés que vos agents rencontrent sur le terrain pour leurs applications ?
Si nous prenons la mesure relative au couvre feu, le début n’a pas été facile parce que le couvre feu commençait à 21h jusqu’à 5h du matin. Vous n’êtes pas sans savoir qu’à Conakry il ya tellement de noctambules et d’autres restent dans leurs bureaux jusqu’à 20h pour des raisons qui leurs sont propres, ils quittent tardivement et ont des difficultés à rentrer parce que ça trouve que nos éléments sont déjà postés sur le terrain. Alors la police a eut du mal à faire comprendre à ces éléments que le couvre feu qui est instauré est une des mesures pour les protéger contre la COVID-19. Certains agents ont été victimes d’injures publiques, d’exactions, non seulement de la part de simples citoyens mais aussi de certains hommes en tenue qui ne voulaient pas se soumettre à ces mesures. Il a fallut une forte implication du chef d’état-major général des armées qui a prit une note de service demandant aux militaires non impliqués dans le dispositif de couvre feu de se soumettre aux mesures pour faciliter la tâche aux services de sécurité.
Outre les routes, dans les quartiers aussi certains veillaient tard, comment procédiez vous pour les persuader de rentrer à la maison ?
Dans certains quartiers populaires de Conakry c’etait très difficile de faire comprendre aux citoyens que le couvre feu ce n’est pas seulement la voie publique, qu’ils doivent rester en famille, diminuer la mobilité pour éviter les contacts nocturnes. Les instructions ont été données pour qu’il n’y ait pas de tirs de sommations pour dire aux gens de rentrer mais de privilégier la sensibilisation. On est parvenu à certains endroits à le faire au prix d’injures, de jets de pierres.
Pour ceux qui refusaient catégoriquement d’obtempérer que faisiez vous ?
Defois l’utilisation de gaz lacrymogène la nuit car quand une foule se révolte contre les services de sécurité la loi nous autorise à utiliser des moyens non létales pour disperser la foule.
Côté population, certains disent avoir été agressés par des agents.
Absolument, quand vous constatez des femmes étalagistes qui vendent au-delà 21h aux abords de la route alors que la règle est 21h piles, et qui pensent que les agents peuvent les laisser continuer au-delà de cette heure jusqu’à ce qu’elles écoulent leurs marchandises. On leur disait non, de prendre leurs marchandises et rentrer chez elles. Quand elles refusent imaginez la réaction des forces de sécurité. C’est les obliger à prendre leurs marchandises et partir. Heureusement il ya eut prolongement du couvre feu qui est passé à 22h puis 23h et maintenant zéro heure ce qui permet aux vendeuses d’écouler leurs marchandises et aux travailleurs de rejoindre leurs domiciles. Mais au-delà de zéro heures tous ceux qui continuent de marcher je ne dirait pas que c’est des délinquants mais s’ils s’entêtent, sont là pour provoquer les services de sécurité et violer les mesures de sécurité sanitaire.
Qu’en est il de la mesure du port obligatoire de masque ?
Bien qu’au début il était dit que tout contrevenant devait être sanctionné par une amende de trente mille francs, ça n’a pas été facile là également. On a vu certaines autorités dont je tais les noms qui à un moment donné se sont sentis en dehors de cette situation. Ils ont voulu provoquer les services de sécurité en disant qu’ils ne peuvent pas porter les bavettes parce qu’ils sont ce qu’ils sont. Mais on leur a fait comprendre que tout citoyen est égal en droit et en devoir. Si une mesure est prise elle est applicable chez tout le monde. Chaque fois ya des circulaires que nous établissons au niveau de la direction générale ici pour indiquer que tout policier dans l’exercice de ses fonctions de jour comme de nuit et en toute circonstance, a l’obligation de porter son masque car tu ne peux pas imposer le port de masque à quelqu’un pendant que toi-même tu n’en porte pas. A un moment donné les amendes qu’on a pu accumuler à Conakry et moyennement à l’intérieur du pays sont allées au-delà de cent et quelques millions déposés au trésor public.
Justement au début les gens se demandaient où partaient les 30.000 francs. Délivrez vous un reçu aux contrevenants ?
Oui nous avons commandé des carnets de contraventions au niveau du trésor. Au fur et à mesure les amendes amassées y étaient reversées.
S’agissant toujours du masque, est ce qu’une personne seule dans sa voiture a l’obligation de le mettre ?
On se masque pour éviter de contaminer et de se faire contaminer. Ceux qui sont seuls dans leurs voitures plombées n’ont pas l’obligation d’en porter. Même l’ANSS a communiqué là dessus. Mais dès lors que vous êtes deux la donne change.
L’ autre axe d’intervention de la police est de veiller au respect de la limitation du nombre de passagers dans les transports en communs (taxis 3; mini bus 8 à 10, moto 1)
La société civile s’est levée pour souligner que si des mesures compensatoires ne sont pas trouvées les transports risquent de prendre un sérieux coup et les populations vont en souffrir. C’est ainsi que le gouvernement a diminué substantiellement le carburant pour permettre aux gens de vaquer à leurs occupations et aux agents de faire le contrôle. Mais le respect de la distanciation sociale n’a pas été facile car les conducteurs de taxis et mini bus étaient réticents au début et nous avons dû utiliser la force puisque c’est une loi il faut l’appliquer.
Il ya également le contrôle des véhicules à la sortie de Conakry (pour l’intérieur)
En fait c’était une mission mixte des forces de défense et de sécurité. Vous n’êtes pas sans savoir que dans la convention classique de sécurité, la police reste dans la cité et la gendarmerie et l’armée en raz campagne. Ces deux dernières sont allées en arrière plan au-delà du grand Conakry notamment à Kouria dans Coyah et Bawa dans Dubreka où des barrages ont été installés pour rationaliser la sortie de Conakry car ce n’était pas hermétiquement fermé, ceux munis de leur attestation de dépistage (négatif) pouvaient circuler. A un moment donné on a mis deux check-point pour contrôler la sortie des gros camions sur le prince et l’autoroute plus précisément à Kountia entra Lansanaya et Km 36 et le second à Keitaya entre la cimenterie et Kabelen. Là, la difficulté est que les gens cherchaient toujours à contourner ces Cheick-point ou ils les envahissent pour créer des troubles à l’ordre public pour dire que la police a fait ceci-cela.
L’aéroport de Conakry fait aussi parti de votre axe d’intervention?
L’aéroport c’était au début pour les mesures complémentaires. La police de l’air et des frontières a fait un travail en rapport avec le département des transports et celui de la santé à travers l’ANSS parce que les voyageurs qui venaient au début étaient tous soumis à une quarantaine de quatorze jours. A un moment donné il était question de fermer mais pas hermétiquement car les marchandises venaient. C’était fermé aux passagers venants des pays où les foyers de coronavirus étaient intenses.
Depuis un certain temps on remarque un relâchement dans le port des masques d’où la hausse de l’amende à 50 mille francs par l’État. Quelles mesures concrètes la police a t’elle prise cette fois pour son application effective ?
Le gouvernement à travers une commission interministérielle de lutte contre la COVID-19 a examiné cette situation et a pris de nouvelles mesures. La contravention qui était à 30 mille francs est montée à 50 mille. La police a été responsalisée d’avantage dans le recouvrement de ces contraventions. Ya de nouveaux carnets conçus spécialement pour la lutte contre la COVID-19 et dans lesquels toutes les rubriques indiquent que le prix est monté à 50 mille. Ils sont déjà disponibles au niveau de nos services, mais attention lorsqu’ils verbalisent une personne pour non port de masque et qu’elle paye les 50 mille francs ils ont l’obligation de lui donner un masque qu’elle doit porter avant de quitter. Pour la bonne application de ces mesures entamées ce jeudi, nous nous sommes assis pour examiner la meilleure stratégie et je pense que dans les prochains jours aussi nous allons réexaminer les choses: est ce que ça marché ? est ce qu’il y a des dysfonctionnements? Trouver la solution.
Au jour d’aujourd’hui disposez vous de tous les moyens humains, matériels et financiers requis pour mener à bien votre mission?
C’est vrai q’une mission c’est d’abord les moyens et des hommes. On ne peut pas prétendre avoir tous les moyens necessaires pour l’application d’une mission. Nous nous contentons de ce nous avons. Si vous prenez les effectifs de la police c’est nettement en deçà de l’effectif de la population. Le ratio normal en Europe c’est 2.200 habitants pour 1 policier alors que chez nous il est de 3000 à 4000 habitants pour 1 seul policier d’où l’une des difficultés récurrentes dans l’application d’une mission. Mais peut-être que le gouvernement cherchera au fur et à mesure à arranger cette situation. En terme de matériel les efforts sont louables ça il faut le reconnaître car depuis le début de la COVID-19 des milliers de bavettes ont été mises à la disposition de la police nationale.
Pour terminer cet entretien quel message adressez vous à la population?
C’est faire comprendre à la population que ce que nous faisons c’est une mission axée sur sa protection ainsi que celle de ses biens, la protéger contre la maladie, les intempéries. Elle doit comprendre que ce n’est pas une rigueur que nous cherchons à exercer contre elle, donc qu’elle ne voit pas la policie d’un mauvais œil.
Merci .