Entamé le 22 décembre 2015, le projet hydroélectrique de Souapiti (450 MW pour un coût de 1,3 milliard de dollars) vise à améliorer la desserte en électricité du pays. Mais selon le récent rapport de l’ONG Human Rights Watch (HRW), le réservoir de ce barrage va inonder 253 km de terres et faire disparaître plus de 550 mille arbres fruitiers. Ce qui va impacter ainsi une centaine de villages répartis sur quatre préfectures (Dubreka, Kindia, Telimele et Pita) et dont les populations doivent être réinstallés sur 16 nouveaux sites. Depuis près d’1 an de nombreux villageois ont été recasés dans certaines localités prevues à cet effet et d’autres attendent toujours un toît. Vivant dans des conditions misérables notamment les femmes et livrés aux intempéries de la nature ils demandent aux autorités guinéennes de tenir leurs promesses.
Autrefois populaire à travers sa gargote de nourriture, Fatoumata Barry surnommé Nene Maye peine de nos jours à joindre les deux bouts et prendre en charge ses six enfants. Elle fait parti de la dizaine de familles du district de Kounkouré qui attendent toujours d’être recasées: « Avant dans mon bar je pouvais égorger trois bœufs par semaine pour la préparation du riz que je vend mais depuis que le barrage a commencé il n’ya pas de clients. J’essaie de temps à autre de vendre 5 kilos de riz pour nourrir mes six enfants mais c’est dur. En plus quand le barrage est plein (vannes fermées), l’eau inonde nos champs et maisons. Les moustiques ont fini de nous dévorer. Ça fait près d’un an que nous attendons d’être recasés à Kondonbof dans Kambaya et nous prions les autorités de respecter leurs promesses. »
A des kilomètres de là à Kondonbof, la vie n’est pas rose non plus pour les familles déjà recasées se plaint Oumou Bah. Outre le manque d’eau potable, les maisons insufisantes ne correspondent pas à leur espace précédent et assurer le quotidien n’est pas aisé pour ces populations agro-pastorales: « à Kounkouré on avait un bon emplacement mais là nous sommes dans la brousse. Ya pas de champs où cultiver et on ne fait pas de commerce non plus. Le projet a abandonné la population. Ils avaient promi d’envoyer chaque fin de mois du riz et de l’argent mais ils ne l’ont fait que deux fois et ça fait presque une année que nous sommes là. Les maisons ne sont pas bien construites car elles sont petites. Tu peux voir des chambres de 3 mètres sur 2 ou quelqu’un qui avait par exemple une maison de 5 pièces à Kounkouré se retrouve ici avec 4 pièces.
Ces populations majoritairement analphabètes ont été berneés par le projet Souapiti pense le porte parole de l’union pour la défense de ces sinistrés. Après son passage sur ces sites le 29 juin dernier il déplore la même précarité. Maitre Oumar Aissata Camara également huissier de justice craint à la longue un conflit domanial au niveau de certaines familles qui vont être recasées sur les nouveaux sites de Baguia (Kindia), Bangouya Cité et Kene Kanssan: « les gens habitent dans les villages en grandes familles alors que le projet est allé recenser les ménages et va construire un seul bâtiment pour tout ce monde. Non seulement ça créé l’encombrement mais ce qui est encore dangereux il arrive parfois que l’une de ces maisons appartienne au grand frère et l’autre au petit frère alors qu’ils se retrouvent tous maintenant dans une seule maison. A leur mort ce sont les enfants de A ou de B qui vont hériter ?
Le projet Souapi parle de 12.355 personnes à recaser alors que le chiffre réel dépasse cela car le recensement a été mal fait. Ils n’ont recensé que ceux qui étaient présents dans les différents villages. Tous ceux qui étaient absents même ceux là qui étaient partis au marché hebdomadaire n’ont jamais été recensés. »
Maitre Oumar Aissata Camara deplore aissi la faible indemnisation prévue pour les sinistrés dont les villages seront partiellement inondés: « ils viennent dire qu’ils ne vont pas construire pour ceux là mais vont leur remettre de l’argent à savoir 2.500.000 Francs par case et 5 millions par maison. Alors ce n’est pas ça le prix des maisons. A travers deux des sociétés chargées de la constitution des bâtiments nous avons appris suite à leur mécontentement que les responsables du projet signent des contrats avec les chinois qui pour la construction de 22 bâtiments (dont douze T1 équivaut 1 chambre-salon), ont débloqué plus de trois milliards de francs guinéens. Ce qui fait 146 millions par bâtiment. »
Certaines mesures ont été prises par le collectif en charge de la défense des sinistrés ajoute leur porte parole. Il s’agit notamment de l’arrêt des travaux sur le site de Kènè Kanssan (sous-préfecture de Bangouya dans Kindia): « il y avait tellement de problèmes là bas qu’on était obligé de demander au tribunal de faire arrêter les travaux. Quelques jours après le sous préfet de Bangouya, le préfet de Kindia en complicité avec d’autres autorités locales sont partis violer cet arrêt des travaux. A cause de cela nous avons engagé une procédure à resserrer qui est pendante au niveau du tribunal de Kindia. »
En attendant, les défenseurs des sinistrés de Souapiti se concertent pour de nouvelles dispositions.
Hadjiratou Bah