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Le fonds global pour la réparation des victimes de violences sexuelles est un programme initié par deux prix Nobels de la Paix de 2019. Il s’agit du gynécologue congolais Dr Denis Mukwengue et Nadia Mourade, qui à travers un soutien financier, sanitaire et psychologique visent à redonner un nouveau départ aux femmes. A travers l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA) la Guinée porte le projet pilote qui sera étendue plus tard à d’autres pays. Immersion au siège de cette ONG où les 135 premières femmes identifiées et réparties en groupes viennent 2 fois par mois renforcer leurs capacités sur la gestion de leur argent y compris d’autres modules qui leurs sont proposés par Wakili S.A une microfinance recrutée à cet effet par AVIPA.
Il est 11h30 en cette fin de semaine ensoleillée à AVIPA. Le premier groupe a déjà fini sa formation en langue locale et le second composé de quatre autres femmes à l’âge avancé s’installe. Normalement elles sont 10 à 11 par groupe par respect des gestes barrières instaurées par l’Etat pour stopper la propagation de la COVID-19. La gestion des activités génératrices de revenus, le plan social et sanitaire sont là les modules qu’elles ont commencé à suivre depuis trois mois nous explique leur formateur Alia Soumah animateur économique à l’agence Wakili S.A: « ya un module sur comment démarrer une activité génératrice de revenus, ceci pour les éduquer sur le plan financier à gérer l’argent qu’elles ont reçu. Sur le plan sanitaire ya une formation sur le VIH, comment le prévenir, vers quel hôpital se diriger si on l’a. Sur le plan social il ya une formation sur la scolarisation de la jeune fille. Il ya des difficultés pour la traduction dans certaines langues locales mais une personne m’assiste et je leur pose toujours des questions afin de m’assurer qu’elles ont compris le cours. Certaines aussi s’absentent parfois à cause d’empêchements et la distance. »
Chacune des victimes reçoit dix millions de francs guinéens répartis en trois tranches. La plupart les ont investi dans le commerce. Trois d’entre elles expriment ici leur gratitude suite aux transformations que cet appui financier apporte à leur quotidien: « avant je faisais du porte à porte dans les bureaux pour joindre les deux bouts. Aujourd’hui grâce à cet argent j’ai acheté des lots de paires de chaussures que je revends à la devanture de ma maison depuis plus d’un mois. Je tire ma dépense dedans, les frais d’électricité et de loyer, tout en un mot. Que Dieu bénisse la présidente d’AVIPA pour son soutien après ce qui nous ait arrivé au stade, témoigne sourire aux lèvres Hadja Mayeni Sylla la plus âgée des femmes présentes. De son côté Mahawa Bangoura vend des pagnes également à son domicile et est satisfaite de la formation dispensée : « j’apprends comment faire bon usage de l’argent que jai reçu. Je revend des pagnes wax et mon enfant des bonbons et de l’eau en sachet. Nous nous complétons. » Mama Aissata Keita renchérit: « je suis vraiment heureuse car avant on souffrait. Malgré les difficultés je venais régulièrement à AVIPA qui nous a beaucoup soutenu. Depuis près de deux mois je revend des denrées alimentaires avec cet appui financier. La formation nous permet aussi de connaitre les autres femmes victimes. »
Cette formation permet aussi à ces femmes d’obtenir plus tard des crédits auprès de la microfinance Waliki pour accroître leurs activités et les mettre à l’abri du besoin. Pour rappel ces dernières ont toutes subies des violences sexuelles au stade du 28 septembre de Conakry en 2009. Divers exactions perpétrées par les forces de défense et de sécurité sur de nombreux civils qui ne voulaient pas que le chef de la junte militaire de l’époque se pérennise au pouvoir. Marquées à vie physiquement et moralement ces survivantes attendent justice et réparation depuis onze ans. D’où ce fonds global pour la réparation intérimaire et individuelle des victimes de violences sexuelles qui outre l’appui financier intervient aussi dans la prise en charge psychologique et sanitaire. Outre les 135 femmes déjà bénéficiaires du programme, l’identification d’autres victimes se poursuit selon certains critères souligne Souleymane Camara chargé de programme de l’association des victimes, parents et amis du 28 septembre (AVIPA): » au fur et à mesure que nous recevons des femmes avec des preuves qu’elles sont des victimes nous les orientons vers un sous comité composé de survivants et d’un avocat. Il est sensé les écouter, voir la véracité de leurs propos. De là nous soumettons leurs dossiers au Comité (instance politique) pour validation. Ce comité est composé de la présidente de AVIPA, du président de l’OGDH (organisation guinéenne des droits de l’homme), un avocat des Nations Unies, la consultante du programme basée à Genève, de trois survivantes et l’équipe du projet.
Le programme a commencé en décembre 2019 par la phase d’identification (toujours en cours), s’en est suivi d’autres activités comme le photovoice ajoute Souleymane Camara: « le photovoice est géré par l’équipe thérapeutique sensée voir le niveau de vie actuel des victimes et après en septembre mesurer l’impact de cet appui financier. On demande aux victimes de se prendre en photo (8) dans leur environnement, tout ce qui symbolise la joie où la tristesse chez elles. C’est pour qu’elles gardent encore cette envie de lutter et d’attendre jusqu’au procès parce que ces personnes vivent dans des conditions vraiment précaires. La plupart de ces femmes ne sont pas avec leurs maris et vivent difficilement avec leurs enfants ».
Cette autonomisation en cours est un pas en-avant pour permettre à ces femmes de retrouver leur dignité et tous leurs droits à travers leur inclusion sociale.
Hadjiratou Bah