Quel est votre constat sur la situation des personnes atteintes d’albinisme de nos jours?
La situation n’est pas du tout appréciable car ce qui a changé est en deçà de qui reste à faire parce que s’il n’ya pas assez de PAA dans la société administrative ou privée, si les problèmes sanitaires ne sont pas pris plus au sérieux par l’État, c’est qu’il ya encore à faire. A titre illustratif, ceux qui ont la chance d’étudier ont des difficultés d’accès à l’emploi. Par exemple si vous prenez la fonction publique ya très peu de personnes atteintes d’albinisme malgré leurs aptitudes. Ils y a assez de diplômés qui chôment. La situation sanitaire est assez préoccupante car beaucoup ont le cancer sans le savoir en plus ne peuvent faire face au traitement à cause du coût élevé. Une simple opération peut aller jusqu’à 7 millions. De 2008 à nos jours au moins 13 PAA sont mortes de cancer. Autre problème côté éducation, certains parents ou tuteurs refusent que leurs enfants restent à l’école et préfèrent en faire des sources de revenu à travers la mendicité. S’agissant de l’intégration sociale on remarque un changement de regard de la société, les personnes atteintes d’albinisme sont plus acceptés par rapport à un passé récent ou par exemple elles n’osaient même pas en classe s’assoir sur le même banc qu’un noir et où les parents ne savaient pas que l’albinisme est un phénomène génétique faute de communication adéquate. Néanmoins beaucoup d’autres personnes continuent à les stigmatiser et marginaliser.
Votre ONG s’intéresse beaucoup aux enfants atteints d’albinisme, quelle assistance a t’elle pu leur apporter depuis sa création en 2017 ?
Avec l’assistance d’Ecobank nous avons pu doter en kits scolaires 185 enfants de Conakry, Kindia, Mamou, Kankan et N’zerekore. Nous appuyons aussi 5 enfants que nous avons mis à l’école public car n’ayant pas les moyens d’abord de faire face aux frais du privé. Il ya eu aussi la distribution de crèmes solaires dans la capitale et certaines zones de l’intérieur. Après la célébration de la journée internationale de sensibilisation à l’albinisme de ce 13 juin 2020, mon ONG a un programme avec l’OPROGEM (Office de protection du genre et des mœurs) pour entamer le ramassage de tous les enfants atteints d’albinisme faisant la mendicité dans la rue, une pratique condamnée par le code de l’enfant, le code pénal et celui de procédure pénal. Nous allons faire signer des engagements à leurs parents pour ne plus qu’ils les remettent dans la rue. S’ils ne peuvent pas les scolariser nous trouverons des parrains pour le faire.
Les parents pointent du doigt leur précarité de vie qui les poussent à mettre les enfants atteints d’albinisme dans la rue
Madame Bah cet argument n’est pas du tout fondé car si ces parents n’avaient pas d’enfants albinos qu’auraient ils fait de leur vie? C’est la question qu’il faut se poser. Ce n’est pas à un enfant de prendre en charge la famille. Quand ces enfants ont des problèmes ou le cancer c’est encore vers nous les ONG que les parents se tournent pour demander de l’aide.
Cette année la journée internationale de sensibilisation à l’albinisme met en valeur le potentiel des PAA à travers le thème « FAIT(E) POUR BRILLER » vous semble t’il approprié ?
Plus qu’approprié même. Avant, le nombre de personnes atteintes d’albinisme diplômées de référence en Guinée ne dépassaient pas trois. Aujourd’hui plusieurs PAA sont une source d’inspiration pour les plus jeunes qui se battent de plus en plus pour faire-valoir leur potentiel. Ils sont dans le secteur culturel, l’informel, l’entrepreneuriat, l’audiovisuel etc. En 2019 après l’organisation d’Albi beauty le premier concours de beauté (Miss and Mister Albinos) les gens étaient émerveillés par ces jeunes. Cette année on nous a tellement interpellé sur la non participation de la Miss Albinos à l’élection nationale Miss Guinée. Mais on devait attendre qu’elle ait l’âge requis. Nos jeunes albinos nous représentent valablement dans les ateliers locaux et les rencontres africaines et internationales.
Vu que la pandémie à COVID-19, ne permet pas de grandes mobilisations comment comptez vous célébrer le 13 juin cette année ?
En partenariat avec l’ONG VOLUCOD (Volontaires pour Lutter Contre la Dépigmentation), nous allons distribuer des kits sanitaires et denrées alimentaires tout en respectant les gestes barrières. Ceux dans les rues seront privilégiés tout en les sensibilisant à quitter cet endroit et faire-valoir leur potentiel autement. La célébration sera aussi plus accentuée sur les réseaux sociaux. Chaque membre de notre organisation va faire une vidéo de 30 seconde que nous allons partager.
Depuis le début de la célébration du 13 juin en Guinée on a assisté à de nombreux discours étatiques, n’est il pas temps de les mettre dans les tiroirs et passer au concret?
Aujourd’hui on a plus besoins d’actes concrets que des promesses. Les ONG se battent de leur mieux. De son côté l’État aussi doit s’investir. Par exemple au Sénégal les crèmes solaires ainsi que les soins oculaires et cutanées sont pris en charge par l’État. Vu que le traitement à l’Azote liquide est possible ici en Guinée depuis quelques années (pour enlever les ephelides ou taches noires), l’Etat pourrait au moins nous aider à avoir 10 à 20 litres par an qui peuvent traiter au moins 150 personnes. Le litre d’azote liquide coûte 1 millions de francs guinéens. Il ya aussi le cancer. J’exhorte également les bonnes volontés à nous accompagner dans nos actions. En plus je souhaite que l’État à travers l’assemblée nationale nous aide à ce que le projet de loi portant promotion et protection des droits des personnes atteintes d’albinisme qui a fait 1 an au parlement soit enfin promulgué.
Actuellement cinq ONG de défense des PAA évoluent sur le terrain, est-ce qu’une synergie ne rendrait pas vos actions plus visibles et faciliterait l’assistance des partenaires ?
Çatoujours été mon combat mais j’ai à chaque fois été confronté à diverses problèmes. Par exemple quand mon ONG a une activité j’essaye d’associer les autres ONG mais ce n’est pas facile. Il faut que les leaders acceptent qu’on se donne la main pour travailler car on a les mêmes objectifs. Faut pas que les uns et les autres pensent que sans eux on ne peut pas parler de l’albinisme en Guinée. Nous sommes aujourd’hui face à une situation où il faut une synergie d’action.